Le film de la saison : L'Allemagne a capitulé au printemps, la guerre est finie en Europe occidentale. Les prisonniers et les déportés regagnent leur patrie. Peu à peu, on s'efforce de reprendre une vie normale, malgré les désorganisations qui apparaissent. Sur le plan footballistique, le parti est pris de restaurer les compétitions d'avant-guerre. Ainsi, la Première division conserve son effectif de 1938-1939 sans Roubaix et Antibes, derniers et relégués, mais avec les deux premiers de D2 (Rennes et le Red Star) ; exceptionnellement, Bordeaux, Lyon et Reims, qui ont brillé en 1944-45, sont également conviés.
Le principe est le même à tous les niveaux, ce qui ne fait pas l'affaire du SCO : peut-on imaginer le champion de France amateur 1943, encore l'une des meilleures équipes de l'Ouest en 1944 et 1945, repartir en Promotion comme avant-guerre ? Faute de trouver un accord avec la LOFA, les dirigeants scoïstes posent la candidature du SCO au professionnalisme, que la Ligue Nationale accepte. Le SCO est versé dans le groupe Nord, en compagnie d'anciens du professionnalisme : Amiens A.C., S.R. Colmar, U.S. Le Mans, F.C. Mulhouse, F.C. Nancy, C.A. Paris, A.S. Troyes, U.S. Valenciennes-Anzin, mais aussi de petits nouveaux comme lui : A.S. des Charentes (Angoulême), R.C. Franc-Comtois (Besançon), S.A. Douai, F.C. Nantes et Stade Français. Les deux premiers accèderont à la Première division. Le premier match officiel du SCO professionnel a lieu, le 26 août 1945, à Douai. Sa composition est la suivante : Bykadoroff - Sanfiliu, Lebouc, Toscanelli - Georges Meuris et son fils Robert - Campiglia, Devos - Srab, Jean Combot, Bergeon. Ces pionniers du professionnalisme angevin sont battus (4 à 2) et affrontent, dès le dimanche suivant, la redoutable équipe nancéenne, favorite du championnat, devant 4.585 spectateurs avides de découvrir leur équipe professionnelle en action. Crispés par l'enjeu, nos valeureux scoïstes ratent complètement l'entame du match et se retrouvent menés 2 à 0, dès la quatrième minute ! Heureusement, ils se ressaisissent comme nous le rapporte le Courrier de l’Ouest :53' : Samzun passe à Meuris, la balle arrive à Campiglia. Ce dernier, d'un retourné, effleure la tête de Mathieu qui détourne dans ses buts. 59' : Srab centre, Campiglia se dégage de l'étreinte de Cecchini et rentre le but égalisateur. 79' : Cecchini accroche Srab, coup franc pour Angers tiré par Kartoyan, la balle à Toscanelli. Il la pousse à Campiglia et, malgré une détente d'Angel, c'est le but vainqueur. En dominant Nancy 3 à 2 grâce à un triplé de Guy Campiglia et malgré l'expulsion de Ramon Sanfiliu à la 92', le SCO remporte, fait historique, sa première victoire professionnelle. Dès lors, bien lancé, il enchaîne deux autres victoires, contre Le Mans et le CAP, pour s'installer durablement dans le peloton de tête. Seule fausse note, un très rude 7 à 0 encaissé en Lorraine au début de l'hiver. En Coupe de France, le SCO écarte aisément Alençon au 4ème tour (9-0), puis Quimper (4-0) et passe en force à Brest (2-1) pour atteindre un 16ème de finale, ce qui reste sa meilleure performance depuis 1933. Le sort lui attribue l'honneur d'affronter le prestigieux Racing Club de Paris, tenant du titre, à Rennes, le 3 février 1946. Les hommes de Meuris réalisent un exploit en accrochant les « Bleu et Blanc » 2 à 2, ce qui débouche sur un match d'appui, au Mans, le jeudi suivant : cette fois, les Angevins sont nettement dominés et quittent la Coupe la tête haute (3-0). Le sommet de la saison est atteint, le 24 mars, par la réception du Stade Français, alors deuxième, qui se déplace en Anjou pour écarter définitivement son rival qui le talonne. Les Stadistes comptent dans leurs rangs une star : Larbi Ben Barek. Il restera l’un des plus grands joueurs de l'histoire du football français. Il est membre à part entière de l'équipe nationale, alors qu'il pratique en D2 ! Déjà sélectionné avant-guerre, il le sera une dernière fois en... 1954. Devant l'assistance record de 13.456 spectateurs, les Scoïstes se défendent du mieux qu'ils peuvent, mais s'inclinent 3 à 0 (seule défaite à domicile) et perdent leurs espoirs de montée. Ils terminent par deux défaites, à Troyes et Mulhouse, et une victoire sur Amiens. Malgré cette déception, le bilan est franchement positif : le SCO se classe troisième avec 33 points, loin derrière Nancy (46 points, deux défaites à Nantes et... à Angers) et le Stade (40 points), mais nettement devant le suivant (Angoulême, 28) : il est bien digne de son statut professionnel !